Photographier les mouvements sociaux

17 mars 2024  | En travail

La réalisation et le choix de ces photographies sont nés de mon ras-le-bol face à la sempiternelle médiatisation des mouvements sociaux en termes de ‘grogne’, de ‘débordements’, de ‘prise d’otages’… menant à une délégitimation des revendications des personnes mobilisées, à une invisibilisation de leurs conditions, à une condamnation de leur révolte sans considération de ses causes.

Pour y avoir parfois participé, à mes yeux, les luttes sociales racontent une autre histoire : celle d’individus qui se rassemblent et font commun ; celle de gens ordinaires qui expriment enfin la colère de tous les jours – celle qu’on pousse sous le tapis avec les miettes de vie ; celle d’une réappropriation à taille humaine d’un destin collectif ; celle de visages anonymes presque étonnés d’avoir osé ; celle d’une foule qui devient Peuple. Vous l’avez fait et c’était comme exister à nouveau. Vous étiez là et, à la lumière de votre colère comme de vos espoirs, vous étiez belles et beaux.

À force de ressasser les clichés télégéniques, on en oublierait presque dans quelle Histoire (visuelle ?), on s’inscrit, celle des gravures des révoltes paysannes de mes livres d’école, celle des peintures du XIXème avec ces gamins armés au sommet de barricades des billets de banque de mon enfance, celle des photographies des grandes grèves de 1936 montrant des pique-niques ouvriers et familiaux, celle d’une jeunesse porteuse d’insouciance et d’impatiences des années 1960…

En essayant de montrer les multiples formes que prennent aujourd’hui les luttes sociales (manifestations, collages, insurrections, rassemblements bon enfant, actions non-violentes et/ou de désobéissance, blocages, prises de paroles et autres surgissements…), c’est avec ce fil-là que j’ai envie de renouer. Montrer le contrechamp des images des industries du spectaculaire. Montrer la beauté de l’ordinaire des luttes. Montrer ces moments de rien en famille, entre ami·es, entre collègues ou voisin·es, en bande, en délégation ou juste en son propre nom. Montrer l’incroyable dignité de femmes et d’hommes qui réapprennent leur « Non ».

Montrer, enfin, alors que parfois la fatigue et le découragement nous rattrapent, que lutter pour notre émancipation collective, c’est une énergie rare, c’est la colère-qui-sauve, c’est la joie retrouvée du lien, c’est nos pensées reprises aux maux de l’adversaire, c’est la danse du sens réinventé de nos jours à venir, bref, lutter c’est la Vie.

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